Un mois, un garage, par le CESCQUAL

Les archives du garage Citroën de Pithiviers

A Pithiviers, dans le Loiret, il y a ce bel immeuble bourgeois.

 

Le Cescqual ayant été invité à découvrir l'endroit et ses archives, nous avons pris la route en Octobre 2019, à bord d'une DS21 Pallas 1969.

 

Une fois au centre ville, Ivan nous signale d'un rugissement le lettrage vertical "Citroën", et nous nous approchons.

"Mais c'est curieux, tout de même, ces banderoles KIA?" observe le toujours sobre Régis.

 

 

 

 

Eh oui!

Le Crédit du Nord et Kia avaient remplacé la vitrine Citroën dont nous avions eu la photo...

Nous étions prêts à rentrer, en maudissant le plaisantin qui nous avait fait faire plus de 100 bornes pour ça.

Mais une intuition nous guidait.

Et, dans un décor digne d'une expérience de mort imminente, nous avons franchi l'enseigne Kia, et emprunté un tunnel: au loin, il y avait une lumière, en croyait deviner un vieux décor et le mot "garage".

Oui!!

Et dans la cour, des Citroën!

Tout n'était donc pas perdu à Pithiviers!

 

Bienvenue chez Citroën Select!

En fait, l'endroit est encore bel et bien Citroën:

une des entrées a été sous-louée pour inviter Kia, et, si le Crédit du Nord a pris la vitrine la plus visible, il reste un énorme show-room Citroën et le garage technique, accessibles directement par l'autre entrée.

Et il y avait même dans le show-room, pour épater la galerie, deux voitures appartenant à José, le propriétaire des lieux, qui nous invitait : une très peu kilométrée DS 1967 rouge cornaline à tissu gris.

Et une traction avant-guerre assortie, avec son intérieur d'origine.

José nous a rejoints à ce moment là et nous avons entamé une visite plus approfondie.

Quelques détails seulement trahissent que l'ensemble est très ancien.

Par exemple l'horloge, qu'on distingue en fond de hall.

..dont voici un gros plan
Les façades non enduites sur la cour privée
Et bien sûr la 2cv à capote longue, qui a été oubliée là!

Les archives Molvaut de Pithiviers

 

José nous a ensuite proposé d'aller voir les archives des Ets Molvaut.

 

Pour cela il nous a emmené dans le bureau du directeur, où tout le mobilier ancien a été conservé.

...ainsi que quelques bricoles.

Voici une des armoires d'archives.

Avant-guerre

 

José nous a alors exhibé les archives de la création du garage Molvaut, les actes de rachat du terrain, et également la création d'une société en 1933, qui utilisa un système très courant à l'époque pour lever des fonds: il s'agit de coupons remboursables par tirage au sort.

 

 

 

Le principe est le suivant:

à chaque échéance, on fait un tirage au sort consigné dans un dossier notarié.

Celui dont le coupon est tiré se voit payer ses intérêts, et rembourser son capital. Il n'aura plus de droit sur la société.

Ceux qui ne sont pas tirés au sort touchent les intérêts et attendent le tirage au sort suivant.

Autrement dit si la société est rentable, on espère ne pas être tiré au sort.

Si elle végète, on espère être tiré au sort pour reprendre sa mise et la mettre ailleurs.

En gros on fait un placement sans en connaître la durée.

Imaginez un instant.

Vous lisez tranquillement l'écho de Pithiviers et vous y lisez que Molvaut lève des fonds.

En dernière page du quotidien, une publicité.

la société a l'air sérieuse, et elle fait des remises aux mutilés de guerre!

Vite, darling! Allons investir! A nous les coupons!

Molvaut avait en fait tout simplement dupliqué la façon de faire de la maison mère!

Pendant la guerre

Le garage est occupé, ça rigole pas pour Chaudard, Tassin et compagnie.

Derrière, on devine un U23 en mode défense passive. Ou c'est peut-être un Ford « Köln » BB 1932.

 

Juste après-guerre

En 47, après le départ des vert de gris, Molvaut envisage de s'installer un petit "coin du pneu"

 

Le dessin a dû le convaincre: difficile de se passer de cette luxueuse installation!

 

En 51, Molvaut (avec un T. C'est pourtant pas dur!) se voit signifier que son U23 à ridelles est réquisitionnable si nécessaire.

L'immatriculation du véhicule convoité par le ministère de la Guerre ne s'invente pas:

39 J 45 !

En 57, C'est Casimir qui prend le relais de Molvaut.

Un petit aperçu des ventes sur l'année modèle 1961.

On voit que dans les petites agences dépendant de la succursale (colonne "ventes avec intermédiaire"), l'ID se vendait incroyablement mieux que la DS: 4 fois plus!

Dans la métropole de Pithiviers, il n'y avait plus qu'un facteur 2.

Et on termine cette plongée dans les archives de Pithiviers avec les contrats entre le concessionnaire et le constructeur.

Le contenu principal du document est à chaque fois un engagement du concessionnaire à prendre x voitures pour les vendre dans l'année.

 

Ici l'exercice 31-32

 

l'exercice 32-33

 

 

33-34
L'avenant, qui permet de clarifier que ce sera Citroën, et rien d'autre.

D'ailleurs, dans ce tarif de 37 retrouvé entre les pages, la discrimination fait rage: si t'es pas Citroën, tu payes plus cher ton entretien.

 

Une petite digression avec cette photo envoyée par Gerard, prise sur sa Traction vendue chez Molvaut, qui a gardé sa plaque signalétique placée entre l'aile et le capot.

Gerard n'a hélas pas la facture de vente chez Molvaut, juste la carte grise de 1951, qui indique l'immatriculation précédente: 4826 JP 4

 

et JP (car à l'époque, c'étaient les lettres qui situaient l'endroit), c'est bien la zone de Pithiviers!

 

Mais reprenons les contrats d'agent de Molvaut: pendant qu'on parlait, la guerre a été déclarée.

 

Décembre 1939: les temps sont très troublés, le constructeur renonce à faire prendre à ses agents des engagements de vente.

 
1945- ça va redémarrer mais on en reste encore à un contrat de principe.
1946 - toujours pas.

1947 : toujours pas!

Ca reprendra l'année suivante.

Un exemple de la période DS.

Pithiviers est engagé sur des volumes largement tenables au vu des ventes de 1961 qu'on avait vues.

La succursale de Pithiviers a également 11 agents dans des villes de moindre importance.

Et un contrat est passé par la concession avec chacun, sur des volumes à leur échelle.

Ici le contrat passé avec l'agent de Malesherbes.

En 61 on ajoute Panhard.

et, le moment venu, Autobianchi!

 

 

On notera que le nom de "Molvaut" est resté malgré le départ du fondateur en 57.

Et c'est encore vrai de nos jours, par exemple sur cette page internet:

https://www.paruvendu.fr/auto-moto/pro/ets-molvaut-citroen-pithiviers-pithiviers-45-38188/

 

Et à Pithiviers on continue donc de dire "je vais chez Molvaut".